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Des colonisés.
Des indigènes.
Des moins que rien.
Des bougnoules.
D'habitude, personne ne les voit.
Comment ont-ils osé devenir visibles ?
─ Moi, monsieur, j'ai toujours su, oui toujours su, que Charles Martel a arrêté les musulmans à Poitiers et les a chassé hors de France.
─ Et ça c'est quoi en plein Paris au jour d'aujourd'hui ?
─ Ils ont été chassés d'Espagne et d'autres contrées d'Europe et d'ailleurs par nos forces, oui monsieur.
─ Mais ça, c'est quoi ?
─ Puis écrasés partout, avant les croisades.
Nous avons fait beau travail, monsieur.
À plein temps. .[1]
─ Meeerde.
Et ils sortent d'où alors ?
─ …
Ils marchent.
Des hommes, des femmes, des enfants.
Depuis combien de temps marchent-ils?
Quelle distance ont-ils parcouru ?
Pour eux, le temps ne compte pas et ils ne mesurent pas l'espace.
Un immense souffle est en eux.
Le but est en eux.
Ce qui doit être sera.
Ils s'approchent de la Seine au rythme de battements tels ceux du coeur de la Mère[2] que tout enfant béni garde en lui.
Un peu partout, des rangs noirs formés par les forces des ténèbres.
Des nuages voilent la clarté du jour.
Mais pour ces personnes qui marchent, tout est lumineux.
Dans un bar, affalés au comptoir, devant un énième verre de vin rouge, deux semblants d'êtres humains continuent de vociférer :
─ À plein temps, oui monsieur.
─ Mais qu'est-ce qu'on attend pour écraser ces rats ?
Les rangs noirs explosent, des véhicules ternes vrombissent.
L'arsenal du carnage se répand.
Un déversement de haine.
Dans Paris et sa région, plus de douze mille arrestations.
Des camps de détention et de torture.
Des blessés.
Des tués.
Des corps d'hommes, de femmes et d'enfants jetés dans la Seine.[3]
Des moyens dits d'information ont informé :
Des semeurs de désordre, terroristes musulmans, fanatiques, ont été mis hors d’état de nuire.
Un homme fixe le fleuve et sourit.
Les personnes qui y ont été jetées continuent de marcher.
Des hommes, des femmes et des enfants.
Le ciel et le fleuve se rejoignent, font jaillir des images, des couleurs, des formes, des mouvements, des sons AUTRES.[4]
BOUAZZA
[1] En 1991, (selon le calendrier dit Grégorien) lors de l’agression impérialo-sioniste contre Al’iraaq (l’Iraq) à laquelle l’armée de Francaise a participé, lorsque les chantres des carnages reprochaient à cette armée de ne pas massacrer suffisamment, le président de gauche de l’époque, le socialiste François Mitterrand, "amoureux du travail bien fait", défendait les militaires en précisant qu’ils détruisent à plein temps, et non à mi-temps comme certains voulaient le faire croire (se reporter à mon texte intitulé "L’amour du travail bien fait").
[2] Aloumma, La Matrie, la Communauté.
[3] S’il vous faut une date, alors mettez 17 octobre 1961.
[4] Se reporter à mon texte intitulé "Ainsi parle un Musulman de France né au Maroc".
Voir :
http://raho.over-blog.com
http://paruredelapiete.blogspot.com
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com
http://laroutedelafoi.blogspot.com
http://voyageur-autre.blogspot.com
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