jeudi 3 novembre 2011

« RÉPONSE »

Selon le calendrier dit Grégorien, nous sommes le vendredi 23 septembre 2011.
J’ai beaucoup regardé une photo de nous deux.
Tu es au premier plan, et moi à peine visible à l’ombre d’un figuier.
Une photo qui date d’avant 1970.
Aujourd’hui, tu as soixante douze ans et moi presque soixante deux.
Tu es né un peu plus de dix ans avant moi.
Avec ma sœur décédée, vous êtes les enfants du premier mariage de notre père.
Je fais partie des enfants de la seconde épouse.
Notre père, ta mère et la mienne ont rejoint l’au-delà.
Il y a aussi les enfants de la troisième épouse, celui d’une quatrième femme, et ceux d’une cinquième.
Y a-t-il d’autres que nous ne connaissons pas ?
Je n’oublie pas l’enfant né du remariage de ta mère, ni ceux nés du remariage de la mienne, et ceux de la quatrième femme.
J’ai mis sur « le net » des textes relatifs à ces données, en pensant à la voie du destin de chaque être et donc de l’enfant  qui n’appartient ni à la mère, ni au père  qui doit accomplir ce pourquoi il est ici-bas.
J’ai appris que tu as chargé une de mes sœurs qui est arrivée en France le jeudi 15 septembre, de me remettre une lettre.
Cette lettre ne m’a pas encore été remise.
Cependant, j’y « réponds ».
Je commence par quelques questions que je me pose de temps à autre :
Que dire de ce qui a été et comment parler de ce qui sera ?
Que dire de ce qui s’en va et comment parler de ce qui demeure ?
Que dire de ce qui cesse et comment parler de ce qui commence ?
Je me souviens que tu m’as adressé en France, un courrier de quelques mots en1970, pour ne pas me parler de l’aggravation de l’état de santé de notre sœur.
Cette sœur est décédée peu de temps après ton courrier.
Elle avait vingt-huit ans et était mère de quatre enfants.
À un moment de mon parcours, j’ai vécu avec elle.
Tu étais étudiant en France.
Je crois que c’est en l’observant que j’ai commencé à m’intéresser à l’art culinaire.
Aujourd’hui encore, il m’arrive de nous voir ensemble dans la cuisine à Lkhmiçaate, et l’envie me prend ainsi parfois de préparer certains plats.
Le tajiine aux pommes de terre et aux olives par exemple.
Je commence par mettre une épaule d’agneau coupée en morceaux dans une cocotte.
J’ajoute de l’huile, du sel, du poivre, du safran ou du curcuma, puis du persil et de la coriandre hachés très fins, deux ou trois oignons coupés en lamelles, trois tomates ou plus, pelées, coupées en morceaux, et de l’eau.
Je laisse cuire.
Lorsque la viande est presque prête, j’ajoute des pommes de terres, épluchées évidemment, et coupées en quatre dans le sens de la longueur.
Des pommes de terre qui restent fermes à la cuisson.
Et des olives violettes.
La viande est cuite.
Les pommes de terre aussi.
La sauce est onctueuse.
Le tajiine est prêt à être servi.
La viande est disposée en premier, couverte des pommes de terre et des olives, au milieu de la sauce.
Parfois, des larmes s’y mélangent et rendent le goût meilleur.
Je remercie Allaah pour ce délice, et je pense aux personnes qui ont su lui donner la Saveur de l’Amour, sans laquelle la recette ne vaut rien.
J’ai appris son décès peut-être trois mois après ton courrier, par le premier mari de la sœur chargée par toi de me remettre une lettre.
À l’époque, ce premier mari était à Paris.
C’était avec lui que j’ai fait mon premier voyage France-Maroc durant l’été 1970, après mon premier séjour en Angleterre.
J’étais encore mineur.
L’âge de "la majorité" à l’époque était à vingt et un ans.
Jamais de courrier de ta part donc, avant tes quelques mots en 1970, et plus rien depuis, jusqu’à cette lettre qui ne m’a pas encore été remise.
Moi, je t’ai écrit.
Plusieurs fois.
Depuis l’école primaire, lorsque tu étais Lyon.
Et plus tard de France, alors que tu étais « haut » fonctionnaire au Maroc.
Je n’ai jamais eu de réponse.
Certaines de mes lettres ne te sont peut-être pas parvenues.
Au Maroc, le courrier n’est pas toujours remis aux destinataires.
Et parfois, les destinataires sont éliminés, suite à un courrier.
C’est ainsi dans les pays dits « musulmans ».
Des pays où règne l’imposture et qui n’ont rien à voir avec l’État Musulman qui, depuis des lustres, n’existe plus nulle part.
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Je progresse dans ma « réponse » par le « copier-coller » de textes que j’ai mis sur « le net ».
Des textes de rappel.
Et rappelle car le rappel sert les croyants.
Allaah s’adresse à chacun de nous.
Il nous invite à nous Remémorer.
Nous Remémorer pour être à l’Écoute.
L’Écoute pour Apprendre.
Réapprendre.
Chercher.
S’Interroger.
Réfléchir.
Voir.
Comprendre.
Raisonner.
Élaborer.
Choisir.
Et Agir sur la base de la Connaissance.
Alma’rifa.
La dimension de la Connaissance est Fondamentale.
Une Connaissance bâtie sur l’Unicité.
Attawhiid.
Sont-ils égaux ceux qui Savent et ceux qui ne Savent pas ?
L’Islaam pousse à l’Effort pour l’acquisition de cette Connaissance qu’il élève aux Degrés les Plus Hauts.
Alijtihaad.
On peut ne pas être « cultivé » et atteindre cette Connaissance, comme on peut être « cultivé » et rester dans l’ignorance.
Aljahl.
Chaque personne est Libre de Croire ou de ne pas Croire.
Pas de contrainte en religion.
Laa ikraah fii addiine.
Chaque personne est Responsable de ses actes et aura à y répondre, le Jour où quiconque aura fait un atome de Bien le verra, et quiconque aura fait un atome de Mal le verra.
C’est ainsi que les croyants et les croyantes se doivent de Commander le Convenable, et de Proscrire le Condamnable.
Alamr bilma’rouf, wa annahyy ‘ane almonekar.
Pour cela, ils ont affronté, affrontent et affronteront l’incompréhension, la dérision, l’insulte, le mépris, l’humiliation, le rejet et autres.
Y compris et parfois surtout, de la part de membres de leur famille.
Au Maroc, ces rapports pour la plupart, ne sont pas ce qu’ils doivent être dans un pays dit « musulman ».
C’est le règne de l’imposture.
De l’obscurantisme.
De la débauche.
De la corruption.
De l’hypocrisie.
De l’escroquerie.
Du non-dit.
Du refoulement.
De la dissimulation.
De tout ce qui permet à des idées ténébreuses de se répandre et d’entretenir le faux et les nuisances.
Le faux et les nuisances recherchés par ceux et celles qui se complaisent dans l’échafaudage de la trahison, le maintien des confusions et de la pourriture qui dégouline de partout.
Habillé de mensonges, de tromperies de tricheries, de supercheries, de combines, de magouilles et de manipulations, l’imposture qui n’épargne rien, alimente toujours ce que l’ultime Prophète et Messager Mohammad sur lui la bénédiction et la paix, n’a jamais cessé de combattre pour continuer et parachever la transmission de la Lumière de l’Islaam.
Nour alislaam.
L’Islaam qui consiste pour les croyants et les croyantes, almouminoune wa almouminaate, depuis Aadame sur lui la bénédiction et la paix, à faire de leur mieux afin d’Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
L’Islaam qui a toujours rejeté, dénoncé, et condamné les ténèbres.
Adhdholomaate.
Dans un de tes livres que je n’ai pas lu (je n’ai lu aucun), un de mes neveux qui depuis un certain nombre d’années, me rend visite chaque fois qu’il est de passage en France, qui détient avec ses parents de multiples informations te concernant, m’a fait savoir que tu as noté qu’« il est dans la nature humaine de piétiner les hommes qu’on a adorés hier. L’homme qui tombe parce que la société l’a puni sombre dans le crépuscule d’une traversée du désert sans issue et sans fin. On mesure alors la sagesse de l’Ecclésiaste : Vanité des vanités, tout est vanité.
J’ai donc observé tout ce qui se passe sous le soleil et j’ai vu que tout est vanité, poursuite du vent ».
Et l’Adoration d’Allaah ?
Al’ibaada.
La Vérité depuis toujours, c’est cette Adoration.
Je n’ai créé « aljinn » (les djinns) et « al-ineç » (les humains), que pour qu’ils M’Adorent.
Allaah nous aide ainsi à comprendre le but de la Création.
Je l’invoque pour qu’Il nous accorde la Guidance.
Alhidaaya.
La Guidance qui nous aide à participer au Plus Grand Combat des croyants et des croyantes pour être couverts de la Parure de la Piété.
Aljihaad alakbar mine ajl libaaçe attaqwaa.
Pour nous soutenir dans ce Plus Grand Combat, Allaah nous offre beaucoup de Bienfaits.
Anni’ame.
Parmi eux, les Signes par exemple.
Alaayaate.
Des Signes qu’observent ceux et celles qui ont un Cerveau.
Oulou alalbaabe.
Des Signes qui sont dans la Création des Cieux et de la Terre.
Dans l’alternance de la Nuit et du Jour.
Mohammad Asad nous en parle en décrivant une petite plante misérable :
« Le lever du soleil sur les dunes est une explosion rouge et violente comme un feu d’artifice. Et parfois, […] apparaît le miracle d’une vie s’éveillant dans une plante gratifiée par chance d’un peu d’eau.
[…] Alors que je faisais mon ablution en me lavant les mains, le visage et les pieds avec l’eau d’une outre, quelques gouttes tombèrent sur une touffe sèche à mes pieds, petite plante misérable, jaune, flétrie et sans vie sous les âpres rayons du soleil. Mais dès que l’eau commença à s’égoutter sur elle, un frisson parcourut ses feuilles recroquevillées que je vis s’ouvrir lentement et en tremblant. Quelques gouttes de plus, et les petites feuilles s’animèrent, s’enroulèrent et se redressèrent doucement, en hésitant et frissonnant…Je retins ma respiration et versai encore un peu d’eau sur la touffe d’herbe. Elle s’anima plus vivement, presque avec violence, comme si quelque force mystérieuse la faisait sortir du rêve de la mort. Ses feuilles se contractèrent et s’étendirent comme les tentacules d’une étoile de mer, apparemment saisies par un délire timide, mais irrépressible, véritable petite orgie de joie sensuelle. Ainsi la vie entra victorieusement dans ce qui, il y a un moment, n’était que chose morte ; elle y entrait visiblement, passionnément, irrésistiblement, avec une majesté dépassant l’entendement ».
Autrefois, j’ai opté pour l’évasion.
Je ne savais pas comment me situer.
Comment lutter.
Comment Résister.
Je craignais peut-être de sombrer dans le marécage.
De devenir une ordure.
De ne pas échapper à la pourriture.
D’en être peut-être une victime.
Quelles étaient mes convictions réelles ?
Quelles étaient mes vraies motivations ?
Quelles idées avais-je de la suite de mon parcours ici-bas ?
C’était flou.
J’étais inquiet.
J’avais peur pour mon épouse.
Je craignais pour nos deux enfants.
Quelle était la part des facteurs personnels ?
La part des facteurs familiaux ?
La part des facteurs sociaux ?
Du temps s’est écoulé.
Des saisons ont succédé aux saisons.
J’ai retrouvé par la Grâce du Tout Puissant, ce que j’ai failli perdre.
Penser à Allaah en observant le Jour qui se lève, le Soleil et ses lueurs matinales, la Lune quand elle vient après lui, la Nuit qui s’étend, les Canards qui évoluent dans l’Eau, les Oiseaux qui se déplacent dans les Airs, et d’innombrables autres Signes.
Faire ce que je peux ici-bas comme si c’était la demeure de toujours, et me préparer à rejoindre l’au-delà à tout instant.
Saisir la dialectique de l’Équilibre en Islaam.
J’ai compris qu’avant même que je ne sois ici-bas, j’ai choisi d’Adorer Allaah l’Unique, Le Seigneur des Univers.
Et lorsque ton Seigneur tira des reins des fils d’Aadame leur progéniture et les fit Témoigner contre eux-mêmes : Ne suis-Je pas votre Seigneur ? Ils dirent : Si, nous en Témoignons.
Ainsi, notre histoire commence avant notre apparition ici-bas.
Ce Commencement est marqué par notre Engagement.
Un Acte par lequel nous Reconnaissons qu’Allaah Est notre Seigneur.
Nous sommes donc Créés avec une disposition naturelle à la Croyance à Allaah.
Alfitra.
La nature conformément à laquelle nous sommes croyants.
Nous naissons croyants.
Des changements interviennent ensuite, tout au long de l’existence ici-bas.
Certains gardent cette Croyance, d’autres la perdent et parfois, selon des modalités différentes, des cheminements divers et des voies multiples, y retournent.
Qu’ai-je fait de mon Engagement ?
Ma crainte d’Allaah est grande chaque fois que je me pose cette question qui me renvoie à mes manquements.
Qu’Allaah me Pardonne et m’accorde la Miséricorde.
Arrahma.
Dans Son Infinie Miséricorde justement, Il nous offre la possibilité du Repentir.
Attawba.
Quiconque fait du mal ou cause du tort à lui-même puis implore le pardon d’Allaah, trouve Allaah Pardonneur et Miséricordieux.
Ghafour Rahiime.
À la fin de la lecture de cette « réponse », il se peut que tu te lèves afin de prendre un bain purificateur, faire tes ablutions et te présenter devant Allaah en toute humilité, en invoquant Son Pardon et Sa Miséricorde pour accomplir la Prière.
Assalaate.
La Prière qui doit devenir la priorité de tes priorités durant le temps qui te reste encore ici-bas, et qui peut prendre fin à tout moment.
Ces mots sont aussi ceux de mes frères et de mes sœurs les croyants et les croyantes qui, en ablutions, « purs de corps et de pensées, se regroupent par longues files, coude à coude, tous tournés dans une même direction, celle de la Kâaba Sainte de Mecca (La Mecque). [...] À l’exemple de l’Imam, placé devant eux, dans le même sens, et annonçant chaque phase de la prière par le takbir:
« Allaah est le plus Grand! » ils élèvent tous leurs mains grandes ouvertes à hauteur de leurs tempes, en témoignant leur extase devant la toute puissance du Maître des mondes. Puis tous, d’un même mouvement, ils courbent leurs dos et s’inclinent devant Sa Suprême Majesté.
Mais ce geste ne leur suffit pas pour exprimer toute l’humilité de leurs âmes; alors, ils s’effondrent vers la terre, se prosternent en y imprimant pieusement leurs fronts, leurs nez, et demeurent quelques instants dans cette attitude de suppliants, comme écrasés sous le poids du Ciel tout entier, qui se serait prosterné avec eux...
Enfin ils redressent leurs poitrines et demeurent assis, les deux genoux à terre, la tête accablée sous le fardeau de leur ferveur.
Une salutation, accompagnée d’un mouvement du visage à droite, puis à gauche, et s’adressant aux deux Anges qui ne cessent d’accompagner tout Croyant, termine la prière.
Les fidèles [...] restent encore dans la même posture, et, plaçant, à hauteur de leurs poitrines, leurs mains ouvertes sous leurs yeux, à la façon des feuillets d’un livre, ils implorent la Miséricorde Divine, pour l’Islaam, pour leurs parents et pour le salut de leurs âmes.
[...] la grandeur de ces gestes expressifs et simples, dans lesquels la dignité s’allie si parfaitement à l’humilité et qui, totalement dépourvus d’affectation, constituent le spectacle d’Adoration le plus poignant que l’on puisse imaginer.
Chaque jour, à chacun des instants où le soleil change la couleur de ses rayons: à son aube empourprée, à son midi flamboyant, à son déclin doré, à son coucher jauni par la tristesse de sa disparition, et à son ensevelissement dans les voiles bleutés de la nuit, non seulement dans les mosquées, mais dans les maisons et dans les rues, dans les cafés et dans les souks, dans les campagnes et dans les déserts, isolés ou par groupes, en quelque lieu qu’ils se trouvent, sans avoir besoin de l’appel du Muezzin ni de la direction de l’Imam, tous les Musulmans doivent interrompre leurs occupations et même leurs pensées, pendant quelques minutes, pour glorifier ainsi le Bienfaiteur.
[...] les Fidèles se tournent cinq fois par jour vers la Kâaba Sainte de Mecca, et leurs [...] prières s’y gerbent, pour s’élever jusqu’au Très-Haut et lui témoigner l’inaltérable gratitude de l’âme islamique».
C’est la description de la Prière par Étienne Dinet.
Son parcours ici-bas a été marqué par son retour à la Croyance.
Aliimaane.
« Retour du cœur dans sa patrie » comme l’avait écrit en ce qui le concerne, Léopold Weiss qui avait choisi de s’appeler Mohammad Asad, et qui a tenu à souligner que ce ne sont pas les musulmans qui ont fait la grandeur de l’Islaam, mais l’Islaam qui a fait la grandeur des musulmans.
La Prière est l’un des Fabuleux Présents que nous fait Allaah.
Un Bienfait qui permet de saisir le Sens.
De renforcer le Lien.
D’Aimer à retrouver la Raison.
Les Bienfaits d’Allaah sont innombrables, et il nous est impossible de les compter.
Un de ces Bienfaits est ma joie d’être père.
Pour marquer affectueusement leur attachement à ma manière de faire de mon mieux afin de m’éloigner de ce qui n’est pas Vrai, mes fils m’appellent parfois « Rahho ».
Une référence à un prénom autrefois assez répandu au Mghrib, chez Imazighen et une de leur composante, Zmmour, région de ta mère, de la mienne, et de notre père par accueil et mariage de notre grand-père paternel qui a échappé, avec d’autres, aux massacres perpétrés par les hordes du sultan contre Smaa’la.
Ce mariage s’est mal terminé.
L’épouse avait un amant.
Certaines nuits, avant d’arriver à trouver le sommeil, notre père encore enfant, était tenu de supporter les ébats de sa mère avec son amant, dans la couche dite conjugale.
Une fois, il avait accompagné son père en embuscade dans un ravin, pour éliminer l’intrus.
L’obscurité était totale.
La cible a été ratée.
Le divorce a eu lieu.
Les amants se sont mariés.
Peu de temps après, notre grand-père a été tué au service du colonialisme français et du sultanat imposteur.
Devenu adulte, notre père s’est marié.
Plusieurs fois.
Y compris lorsqu’il était vieux.
Il a fait de chaque mariage un fiasco.
Mais revenons à Rahho :
« Raho Aït Yafelman cheminait le long de la route, par ce lumineux matin de l’été de l’an de grâce chrétienne mil neuf cent quatre-vingt-cinq  un Berbère très long et très mince, le visage emprunt de sérénité. Il ne marchait pas sur le macadam, mais sur le bas-côté, là où des années de ses propres pas avaient damé l’herbe et le gravier en une piste aussi dure que le granit. La plante de ses pieds avait l’épaisseur d’un pneu de vélo et ses babouches étaient bien à l’abri, dans le capuchon de sa djellaba, en compagnie d’un morceau de pain d’orge et d’une poignée de dattes. Il se chausserait à la porte de la ville, pour être comme il faut. D’ici là, il n’y avait que trois heures de marche, quatre peut-être par vent debout. Mais on était au mois d’août, l’air était immobile, autant dire inexistant, et c’était comme si, dès l’aube, le soleil l’avait flambé jusqu’au septième ciel.
De place en place, le bitume luisait, fumait, redevenu liquide. Des virages mabouls tordaient la route sans raison apparente, brisaient l’élan des enjambées. Mais c’était ainsi : il fallait marcher avec son siècle ! Un pied devant l’autre, l’un après l’autre, l’homme de la montagne allait calmement son chemin, descendant aussi bien vers la ville de Sidi Kassem Bou Asriya que vers son passé. Franchi l’espace, là-bas à main gauche, très loin dans le Sud, il y avait l’Oum-er-Bia. Pas un jour ne s’était écoulé sans que Raho n’évoque le fleuve de son enfance, torrentiel à sa source, paisible à l’embouchure, lourd, lent et profond dans son débit. En avait-il jamais quitté la rive ? Maintenant encore, au seuil de la vieillesse, il entendait la voie de son eau chantant tel un orgue, de l’Atlas jusqu’à l’océan Atlantique. »
C’est le défunt Driss Chraïbi qui s’exprimait ainsi.
Je me remémore…
Je n’avais plus d’emploi rémunéré.
J’avais fui celui d’avocat stagiaire au Maroc, et passé un certain temps à chercher un autre emploi rémunéré en France.
J’avais du temps pour accompagner les enfants à l’école, et les retrouver dès la sortie.
Joie intense d’un père appréciant les saveurs de ce délice, encore un Bienfait du Créateur.
L’eau coulait le long du trottoir.
Je tenais les enfants chacun par une main en les encourageant car il fallait d’un saut « traverser la rivière ».
Passer à l’autre rive.
Je leur contais une histoire et l’eau qui coulait le long du trottoir, c’était « la rivière » au bord de laquelle il nous arrivait de nous mettre accroupis, les doigts dans le liquide pour sentir le courant.
Du temps s’est écoulé.
Des saisons ont succédé aux saisons.
Ayant retrouvé un emploi rémunéré, les exigences imposées par les employeurs ne m’ont pas empêché de faire de mon mieux pour prendre le temps de jouer avec les enfants.
Certains instants de matchs de football par exemple, chantent encore dans tout mon être.
Les enfants ont grandi.
Deux formidables compagnons.
Deux ingénieurs qui, par la Grâce du Miséricordieux, poursuivent leur Marche afin d’approfondir le Sens et renforcer le Lien, par delà le Temps et l’Espace.
Il m’arrive parfois, de m’arrêter devant « la rivière » et de sentir les mains de deux enfants dans les miennes.
Des murmures me parviennent.
Des mots me caressent.
Des paroles clairsemées s’associent.
Des souvenirs s’assemblent.
Des idées se rassemblent.
Vers l’école, j’entends les voix qui montent de la cour de récréation et qui m’atteignent de partout.
Mon cœur les rejoint.
Mon regard longe les murs.
Je remercie Allaah et poursuis mon chemin.
Parfois, Driss Chraïbi m’accompagne :
« Une autre vague vient par-dessus la première et fulgure. Étincelle et ruisselle d’une vie nouvelle. Sans nombre, débordant par delà les rives du temps, de l’éternité à l’éternité, d’autres vagues naissent et meurent, se couvrant et se renouvelant, ajoutant leur vie à la vie.
D’aussi loin qu’on les entende, toutes ont la même voix, répètent le même mot : paix, paix, paix ».
Un des autres Bienfaits est le fait que les épouses de mes deux fils soient enceintes.
Nous nous préparons donc, mon épouse et moi, à devenir grands-parents ine chaa-e Allaah.
Et Seul Le Créateur connaît les instants qu’Il peut nous accorder avec les petits enfants.
Je vois et j’entends.
Des images et des mots me parviennent.
D’autres ne les voient pas.
Ne les entendent pas.
Ils n’ont pas le Discernement.
Alforqaane.
Immense Bienfait d’Allaah.
Par le soleil et par sa clarté. Par la lune quand elle le suit. Par le jour quand il l’éclaire. Par la nuit quand elle l’enveloppe. Par le ciel et par Celui qui l’a construit. Par la terre et par Celui qui l’a étendue. Par l’âme et par Celui qui l’a harmonieusement façonnée. Et lui a inspiré son immoralité et sa piété. A réussi celui qui l’a purifiée. Et a perdu celui qui l’a corrompue.
Le Temps et l’Espace s’unissent et font jaillir une dimension AUTRE.
Des hommes, des femmes et des enfants poursuivent la Marche.
Depuis combien de Temps Marchent-ils ?
Pour eux, le Temps ne compte pas et ils ne mesurent pas l'Espace.
Un immense Souffle est en eux.
Le Souffle de l’enfant qui naît semble être l'écho de leur Souffle.
Ils sont sur la Route de la Foi.
Couverts de la Parure de la Piété.
Depuis l’Aube de la Vie.
Ils n’ont pas cessé de dire, ils ne cessent pas de dire, ils ne cesseront pas de dire :
Et l’Avenir est à la Piété.
Wa al’aaquiba littaqwaa.
Ils se Souviennent de Demain.
Tu les vois ?
Tu les entends ?
Nous sommes le lundi 10 octobre 2011.
Ta lettre m’a été remise aujourd’hui.
Quelques lignes vite lues.
Je n’ai rien à ajouter à ma « réponse », si ce n’est que mon épouse te remercie pour le mot, et se joint à moi pour te souhaiter le meilleur.
Je t’adresse ma « réponse » par le même canal que tu as utilisé pour me faire parvenir ta lettre.
Je la mets aussi sur « le net ».
Un rappel…[1]

BOUAZZA




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