« On fêta l’événement par le régal des régals : le boundouk-[1] un chaudron géant où très longtemps un mouton entier avait mijoté et libéré le jus de sa viande, de ses os et de ses tripes; à mi-cuisson, on lui avait adjoint une brassée de légumes et quelques épices connues des montagnards seuls, c’est-à-dire un choix harmonieux de ce qui avait poussé sur terre et sous terre, à proportions égales de saveurs avec le suc du ruminant. Et maintenant, découpée en quartiers, abats fumants par-dessus, la viande était servie dans un plateau en bois d’arganier large de deux enjambées d’homme. Deux autres plateaux tout aussi immenses contenaient respectivement les légumes et un dôme de grains d’orge verts, tendres, cueillis juste avant la maturation et que des douzaines de mains de femmes avaient cuits sur un treillis de doum, à la fumée d’un feu de bois. Au son des tambours, des flûtes et des cymbales qui dialoguaient de crête en crête, on formait religieusement une boule de boundouk avec quelques légumes et un morceau de viande, on l’arrosait d’une louchée de bouillon, et puis on mastiquait dans le recueillement d’une prière muette à la Mère nourricière, yeux fluides, narines palpitant d’émotion ».[2]
[1] Boundouq : l’ancêtre du couscous.
[2] Driss Chraïbi, Naissance à l’aube, Paris, le Seuil, 1986, p. 108.
J’ai déjà cité ces lignes dans un texte intitulé "Souffle".
Voir :
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