lundi 17 octobre 2011

MONTÉE D’ESCALIER




Dans la maison où je suis logé en France, la montée d’escalier est « agrémentée » d’un « hnbl » de Zmmour,[1] tapis tissé ras, sur fond rouge avec des motifs blancs, noirs et oranges embellis par des paillettes.[2]
Il m’a été envoyé il y a de nombreuses années, par la troisième épouse de mon père qui s’est occupée de moi lorsque ma mère a été divorcée et que j’ai été séparé d’elle à l’âge de trois ans.
Ma mère a réalisé une infinité de « hnaabl »[3]durant son existence ici-bas.
Elle excellait dans ce travail.
C’est elle qui lavait la laine fournie par les moutons et les brebis dont s’occupait son époux,[4] la filait, la teignait, se chargeait de tout le nécessaire pour tisser et réalisait les divers tapis, couvertures, coussins et autres,[5] avec amour et compétence.[6].
Un savoir-faire enseigné de génération en génération et transmis à travers les âges, traduisant un attachement immémorial à la valeur de l’enseignement et de la transmission.
Dans la même montée, tapi dans le coin, tout en cuivre jaune,[7] avec la partie supérieure transformée en sorte de vase avec des fleurs séchées, c’est « ttaasse ».[8]
Devenu « objet décoratif » !
Sa « fonctionnalité » n’est pas celle qu’il a au Mghrib.[9]
Là-bas, lorsqu’une personne[10] est reçue par une autre, tout est fait pour lui éviter tout ce qui peut l’être.
Comme il est de règle par exemple de se laver les mains avant et après le repas, « ttaasse » est destiné à éviter à la personne reçue de se déplacer jusqu’à un point d’eau à cet effet.[11]
C’est en quelque sorte l’eau qui vient à elle.[12]
Ainsi donc, elle peut sans se déranger, se laver, se rincer la bouche, et s’essuyer avant et après le partage du repas.
Une attention parmi d’autres, qui témoigne de l’importance sacrée de l’hospitalité.
Des os fléchissent en moi et ma tête est allumée de blancheur.
Je me remémore.
J’ai mis du temps avant de comprendre.
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Que dire de ce qui a été et comment parler de ce qui sera ?
Que dire de ce qui s’en va et comment parler de ce qui demeure ?
Que dire de ce qui cesse et comment parler de ce qui commence ?
Il m’arrive de me poser ces questions non seulement en montant et en descendant l’escalier, mais à d’autres moments bien sûr.[13]

BOUAZZA



[1] Hanbal de Zemmour.
Ma mère était originaire de la région Zmmour, dans ce qui est appelé la chaîne des montagnes du Moyen Atlas au Mghrib (Maroc).
[2] Ces paillettes (mozoune) d’embellissement ne résistent pas longtemps et se détachent assez vite.
[3] Pluriel de "hnbl".
[4] Après sa séparation avec mon père, elle a épousé son cousin en secondes noces.
[5][5] Tissage pour "jllaba" en laine par exemple.
[6] Se reporter au texte intitulé "Ma mère".
[7] Il existe en d’autres métaux, et même en plastique.
[8] Lave-mains.
[9][9] Le "r" roulé, Maroc.
Cette "fonctionnalité" même là-bas, n’est plus ce qu’elle était.
[10] Ou plusieurs.
[11] Le lave-mains est composé de deux parties : une partie supérieure pour verser l’eau, et une inférieure pour la recevoir.
[12] Chauffée lorsqu’il fait froid.
[13] Voir :
http://raho.over-blog.com/
http://paruredelapiete.blogspot.com/
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com/
http://laroutedelafoi.blogspot.com/
http://voyageur-autre.blogspot.com/


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