vendredi 16 décembre 2011

TORINO


C’est un tableau[1] au crayon noir d’un point de la rue cernaia[2] à Turin,[3] en Italie.[4]
L’automne.
Les arbres sont dénudés.
Les feuilles mortes ont été ramassées.
Je ne sais pas si c’est à la pelle, comme l’écrit un poète.[5]
La construction représente la caserne des carabiniers,[6] où travaillait le père de la cousine de mon épouse.
Je regarde ce tableau de temps à autre, et mes pensées s’envolent parfois vers cette ville.
En août 2010,[7] j’y ai passé quelques jours.
J’en ai parlé dans un texte[8] que j’ai mis sur « le net » et dans lequel j’ai écrit, entre autres :
« Depuis de nombreuses années, je me rends en Italie[9] chaque fois que je le peux.
Avec mon épouse,[10] nous retrouvons sa cousine paternelle, le mari de cette dernière et leur fille,[11] installés à « Torino ».[12]
Nous retrouvions aussi la « nonna »[13] dont l’existence ici-bas s’est achevée il n’y a pas très longtemps.
L’accueil est toujours chaleureux.
[…].
Nous nous sommes rendus dans des coins visités plusieurs fois déjà.
La « Via Garibaldi »[14] toute droite va jusqu’à la« Piazza Castello ».[15]
Une grande place dégagée, aérée et baignée avec d’autres endroits par la « fraîcheur »[16] du fleuve[17] qui passe par la ville.
Sur la droite, en arrivant à cette place, de nouvelles et très agréables arcades comme il y en a tant ici, conduisent à la « galleria subalpina » qui fait penser à une galerie de « Milano »[18] et encore plus à celle de « Den Haag ».[19]
Verrière, marbre, boutiques, café-restaurant, plantes, théâtre et même cinéma.
L’étage du milieu sur les trois qui composent cette galerie dispose d’un beau balcon qui en fait le tour.
La galerie débouche sur la « Piazza Carlo Alberto » avec sur la droite le « museo nazionale del risorgimento italiano »,[20] faisant face à la « biblioteca nazionale »[21] et sur « Via Cesare Battisti », « Via Carlo Alberto »…
Sur la Place Carlo Alberto, des enfants jouaient.
En courant, l’un d’eux a chuté.
Sa mère s’était précipité et l’avait prise dans ses bras.
Comment apaiser les sanglots qui le secouaient ?
Sa sœur qui le caressait se posait peut-être cette question.
Un homme marchait.
Il avait l’air « ailleurs ».
Allait-il vers la rue Carlo Alberto où il logeait ?[22]
Se remémorait-il ?
Il faisait froid.
Il était encore enfant[23] lorsque son père a rejoint l’au-delà.
Il a vécu avec sa mère et sa sœur.
Très jeune, il enseignait à l’université.
Loin de sa mère et de sa sœur.
Pour des raisons dites de « santé », il n’a pas continué cette activité longtemps.
Il fallait partir.[24]
Dans sa marche, il se dirigeait vers un cheval.
Le cheval d’un fiacre, rossé par un cocher.
Arrivé à sa hauteur, il a enlacé son encolure.
Un peu comme s’il voulait le prendre dans ses bras pour l’apaiser.
Puis il a éclaté en sanglots et s’est écroulé.
Il venait d’être foudroyé par la « folie », avait-on dit.
Cet homme s’appelait Friedrich Nietzsche ».[25]
Lorsque mes pensées s’envolent vers Turin, elles retrouvent le pays d’origine du père de mon épouse, des membres de sa famille, et rencontrent le cheval, l’homme, et ses sanglots.[26]

BOUAZZA

[1] Cadeau de la cousine germaine de mon épouse, et de son mari.
[2] Via cernaia (se prononce "tchernaaya" en italien, avec le "r" roulé).
[3] Torino (le "r" roulé).
[4] Italia.
[5] "Les feuilles mortes se ramassent à la pelle" (Jacques Prévert, poète français, 1900-1977).
[6] L’équivalent d’une caserne de gendarmes en France.
Caserna cermaia dei carabinieri (devenue lieu de formation des futurs carabiniers).
[7] Selon le calendrier dit Grégorien.
[8] Intitulé "Sanglots".
[9] Se reporter à mon texte intitulé "Primavera".
[10] Et au début avec nos deux fils aussi.
Depuis un certain temps déjà, ils s’y rendent toujours mais sans nous.
[11] Lorsque je l’ai vu pour la première fois, c’était en août 1982.
Elle avait dix ans je crois.
Mon premier fils avait sept ans et quelques mois, le deuxième quatre ans moins quelques semaines.
Nous avions quitté le Maroc l’été d’avant (se reporter à mon texte intitulé "Évasion").
Il faisait chaud à "Torino" et la fille de la cousine de mon épouse était très contente de nous faire "granita", une glace pilée et aromatisée et de nous apprendre à en faire.
Lorsque je pense à elle, je pense souvent à son rafraîchissant.
[12] Le "r" roulé, "petit taureau", Turin.
[13] La grand-mère, la mère du mari de la cousine de mon épouse.
[14] La rue Garibaldi.
[15] Place du château.
Il y a un vieux château en effet, mais il y a aussi le palais royal car "Torino" était une capitale au temps de la monarchie.
[16] Il y a des jours en été où cette "fraîcheur" reste symbolique.
[17] Le Pô qu’il est possible de rejoindre au bout de la "Piazza Vittorio Veneto" en suivant la "via Po".
Après le pont Vittorio sur le Pô, des constructions sur les hauteurs arborées, ne se lassent pas de contempler la "Piazza".
[18] Une galerie de Milan que mon épouse, enfant, a vue en compagnie de ses parents.
[19] De la Haye en Hollande, que nous avons vue cette année.
[20] Musée national de "risorgimento" italien.
[21] Bibliothèque nationale.
[22] Le bas de l’immeuble est occupé par un restaurant.
[23] Il avait cinq ans.
[24] Se reporter à mon texte intitulé "Ainsi parle un Musulman de France né au Maroc", daté de 1992, P. 107 à 119.
[25] Philosophe allemand (15 octobre 1844 -25 août 1900).
L’épisode du cheval à la "Piazza Carlo Alberto" date du 3 janvier 1889.
Nietzsche a passé le restant des jours de son existence ici-bas auprès de sa mère et de sa sœur et n’a plus ni parlé, ni écrit.
[26] Voir :
http://raho.over-blog.com/
http://paruredelapiete.blogspot.com/
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com/
http://laroutedelafoi.blogspot.com/
http://voyageur-autre.blogspot.com/

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