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Ma sœur de deux ans mon aînée fait partie, comme moi, des cinq enfants[1] arrachés à notre mère lorsqu’elle a été divorcée.[2]
Le fils aîné de cette soeur,[3] enseignant universitaire et journaliste, a écrit :
« Le 21 octobre 1987[4] à midi moins dix, ma grand-mère paternelle rend l’âme à Mabella,[5] après une courte maladie au cours de laquelle sa belle-fille avait fait preuve d’une bravoure inoubliable.
C’est ma mère qui, pendant plus d’un mois, prenait soin d’elle, la lavait tous les jours, restait à son chevet nuit et jour et, parfois, dormait de fatigue près de sa tête ».[6]
Flots de pensées.
Averses d’images.
Afflux de sensations.
Nous habitions à Lkhmiçaate.[7]
Cette soeur avait douze ans et jeûnait[8] alors qu’elle n’était pas pubère, et n’était donc pas tenue de le faire.[9]
Mon père lui a ordonné de rompre le jeûne.[10]
Devant son refus, il s’est mis à la frapper avec beaucoup de violence.
Elle a supporté les coups avec bravoure.
Mon père, fatigué de frapper, a abandonné.
Je pense souvent à cet épisode.
La Résistance.
Savez-vous ce qu’est la Résistance ?
Et qui vous dira jamais ce qu’est la Résistance ?
Quelques années plus tard, en 1964 je crois, à ddaar lbiidaa,[11] pendant la nuit, il y a eu un séisme.
Mon père était en voyage.
Ma belle-mère, ayant en tête le tremblement de terre d’Agadiir,[12] avait peur.
Elle a téléphoné à l’administration[13] qui a dépêché rapidement un chauffeur avec un grand véhicule pour nous éloigner des constructions de la ville.
Nous sommes restés une bonne partie de la nuit vers la mer.
Cette sœur dormait et a refusé de nous accompagner.
Nous l’avons laissée seule.
Le lendemain, je n’étais pas fier de l’avoir abandonnée.[14]
Je n’étais pas fier non plus lorsque le fils aîné de ma belle mère,[15] la maltraitait et qu’il ne m’était pas possible de la défendre.[16]
Il pouvait tout se permettre.
Personne n’avait intérêt à lui faire le moindre reproche. [17]
J’aurai l’occasion d’y revenir ine chaa-e Allaah.
À l’époque où nous habitions à Lkhmiçaate, une parente de mon père était venue s’installer dans cette cité pour s’occuper des études de son fils.
Elle nous rendait visite avec ce fils qui pour nous était notre cousin.
Des années plus tard, il a épousé cette soeur qui avait dix-sept ans je crois, et venait de commencer à travailler à Agadiir où mon père était affecté.
Elle a quitté cette ville pour Rbaate où son époux[18] avait un emploi de fonctionnaire.[19]
Cet époux a porté très gravement atteinte aux fondements du mariage, et a eu d’autres comportements condamnables.[20]
Il s’est livré, et se livre peut-être encore, à ce que l’Islaam[21] condamne avec la plus extrême sévérité.
Son épouse a toujours pensé qu’elle n’est pas tenue de divorcer.
Aujourd’hui, elle a soixante quatre ans.
Elle est mère de cinq enfants, grand-mère de plusieurs petits enfants, et espère que son époux va finir par prendre la Route de la Foi.[22]
Mon installation en France, ma décision de mettre fin à tout contact avec son époux, ainsi que certaines autres considérations, ont contribué à distendre mes rapports avec elle.
Aujourd’hui, ces rapports connaissent un certain « réchauffement ».
Qu’Allaah nous éclaire et nous guide.[23]
BOUAZZA
[1] Trois filles et deux garçons.
[2] Notre mère a été la deuxième épouse de mon père qui a eu avec elle cinq enfants.
[3] Un neveu qui passe souvent quelques jours avec moi, lorsqu’il vient en en France.
[4] Selon le calendrier dit Grégorien.
J’ai recours à ce calendrier imposé partout, y compris parmi ceux et celles qui autrefois ne subissaient pas cette contrainte et appliquaient le calendrier lunaire.
Un jour ine chaa-e Allaah (si Allaah veut), le calendrier lunaire retrouvera sa place.
[5] Un quartier dans la ville de Rbaate (le "r" roulé), Rabat.
[6] Texte daté du 11 décembre 2006, mis sur le "net".
Se reporter à mon texte intitulé "Une femme aimée".
[7] Khémisset.
[8] C’était le mois de ramadaane, le mois de jeûne pour les croyants et les croyantes (almouminoune wa almouminaate).
[9] L’Islaam prescrit aux croyants et aux croyantes pubères et sains d’esprit, de jeûner le mois de ramadaane.
[10] En principe, lorsqu’un enfant décide de jeûner un jour ou plus pendant le mois de ramadaane alors qu’il n’est pas tenu de le faire, son entourage le soutient, et lui témoigne son affection.
[11] Casablanca.
[12] Le "r" roulé, Agadir.
En 1960, cette ville du Sud, sur l’Océan Atlantique, a été détruite suite à un tremblement de terre.
[13] Avec "l’indépendance dans l’interdépendance", mon père est devenu un "haut fonctionnaire".
"L’indépendance dans l’interdépendance" renvoie au statut octroyé par le colonialisme aux colonies, et qui s’est traduit, entre autres, par la multiplication des "États" supplétifs, subordonnés avec plus ou moins de zèle, de soumission, et de servilité dans l’exécution des ordres des métropoles.
[14] Se reporter à mon texte intitulé "Ddaar lbiidaa".
[15] La troisième épouse de mon père.
[16] Ma belle-mère- veillait.
Les conditions dans lesquelles elle est devenue l’épouse de mon père, peuvent apporter un éclairage à tout cela (se reporter à mon texte intitulé "Ma belle-mère").
[17] Se reporter à mes textes intitulés "Libération", "Héritage", "Usurpateurs", "Encore sur les usurpateurs", "Échecs", "Famille décomposée", "Donation", "Ziid, ziid", "Bermudas", "Falsifications", "Supercheries toujours".
[18] Se reporter à mon texte intitulé "Le poulet".
[19] Il vivait avec sa mère et sa tante maternelle.
[20] Je l’ai appris longtemps après le mariage.
Nous croyons souvent connaître une personne, surtout lorsqu’elle est de la famille, et nous nous rendons compte parfois que nous ne la connaissons pas.
[21] L’Islaam depuis Aadame (Adam) sur lui la bénédiction et la paix, consiste à faire de son mieux pour Adorer Allaah, comme Allaah le demande.
[22] Allaah ne pardonne pas l’associationnisme, achchirk, et pardonne le reste à qui Il veut.
[23] Voir :
http://raho.over-blog.com
http://paruredelapiete.blogspot.com
http://ici-bas-et-au-dela.blogspot.com
http://laroutedelafoi.blogspot.com
http://voyageur-autre.blogspot.com
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